mardi 16 octobre 2018

Généalogiste


"Apollodorus of Damascus" n'est pas mon ancêtre
L'autre jour, sur Facebook, quelqu'un racontait comment en faisant son arbre généalogique, il allait de surprise en surprise, passant de tel prince connu à tel grand général, traversant les grands pays d'Europe, Angleterre, Provinces Unies etc. Faire son arbre généalogique, disait-il, c'était entrer de plain pied dans l'histoire de France et même de l'Europe, et tout le monde, finalement, avait des ancêtres venus de partout, aux destins incroyables, tout le monde descendait des rois et des princes.
C'est faux, je préfère vous le dire.

Ce forban n'est pas mon ancêtre
 Je me suis souvenu qu'il y a une quinzaine d'années je m'étais passionné pour la généalogie de ma femme : la famille Hoarau (nom commun s'il en est à la Réunion) avait une histoire absolument romanesque, pleine d'aventuriers, marins, pirates, nobles en exil, filles de mauvaise vie, criminels et explorateurs, esclaves affranchis,  princesses malaises, indo-portuguaises, gueux audacieux fuyant des milieux étouffants, héros malgaches, hollandais, britanniques, mozambicains, bretons, normands, parisiens, bref le souffle du monde et de l'histoire du monde dans ce qu'il y a de plus excitant !
Avec un nom comme le mien, me disais-je, on allait voir ce qu'on allait voir quand je me mettrais à faire mon propre arbre généalogique.

L'amiral de Coligny n'est pas mon ancêtre
 Je m'y suis donc mis, et j'ai commencé par la branche maternelle parce que c'était la plus facile à documenter, pour une raison bien simple : mes grands-parents maternels, quoique absolument athées (et même athées militants) étaient tous les deux d'origine protestante, et les protestants, comme toutes les minorités, ont des archives très précises. Ainsi donc, les Coligny et autres Montmorency héros calvinistes de l'histoire de France m'attendaient très vraisemblablement !

Ce chef camisard n'est toujours pas mon ancêtre
 Hé bien, l'honnêteté doit me faire avouer que ce n'est pas exactement ces grandes familles protestantes qui constituent mes ancêtres, puisque, au terme de recherches assez faciles sur internet, j'ai accumulé plusieurs dizaines d'ancêtres huguenots, apparemment paysans pour la plupart, qui venaient tous de la même région, Saint-Jean du Gard, soit les Cévennes, le petit Refuge français. Parmi eux, nul nom connu, et d'ailleurs, plusieurs fois les mêmes noms de famille apparaissent, preuve d'une grande endogamie (ce qui n'est pas très surprenant pour une minorité religieuse persécutée) et surtout une aire géographique extrêmement limitée. Mes recherches, certes incomplètes, ne me mènent pas très loin, du reste, puisque je ne remonte que jusqu'au XVIIème siècle. Petite déception, donc, bien que l'idée d'ancêtres camisards soit un peu consolatrice.

Ce paysan pourrait être mon ancêtre
 Je me suis ensuite attaqué à la glorieuse branche Appollodorus. En fait, je sais depuis des années que je ne peux pas remonter cette branche par les hommes, car elle aboutit à une impasse inexplicable au niveau de mon arrière-arrière-grand-père (né en 1817, et premier Appollodorus du monde). Aussi ai-je recherché l'ascendance par les femmes, et là, coup de bol, je suis tombé sur des arbres déjà faits par des amateurs éclairés.
Coup de bol et coup de blues, pour être exact, j'ai rempli consciencieusement mon arbre, des dizaines et des dizaines de noms, en remontant jusqu'au XVIème siècle : des dizaines et des dizaines de paysans, et surtout des dizaines et des dizaines de mecs qui viennent tous, je dis bien absolument tous, du même coin, c'est à dire de villages dans un rayon de moins de 10 kms autour de Puyméras dans le Vaucluse. Quel ennui ! Pas un seul de mes ancêtres avec un destin un peu étonnant, avec un métier original, avec la curiosité d'aller dans une grande ville. Tous, sans exception, pendant 400 ans ont habités dans la même région : le métier le plus drôle que j'ai retrouvé est "tailleur d'habits", et le village le plus loin que j'ai identifié se trouve à 50 kms au nord de Puyméras. Dans cette litanie mortifère de paysans du Vaucluse ou de la Drôme, mes seules consolations auront été de découvrir une "Esprite Bordel" (un peu de fantaisie dans une suite de noms sans intérêt) et, ô miracle, un Italien (un seul !) venu s'installer dans le coin. Que faisaient mes ancêtre en 1665 quand ceux de ma femme traversaient les océans, affrontaient les pirates et les naturels de Madagascar, s'installaient dans une île déserte ? Ils faisaient 3 kms pour se marier à une autre paysanne du coin. Que faisaient mes ancêtres pendant que Voltaire écrivait "Candide" en 1759 ? Ils faisaient 2 kms pour s'installer dans le village voisin. Que faisaient-ils quand la Révolution balayait la France puis l'Europe ? Rien, ils ne faisaient rien, ils restaient dans leur trou perdu, à portée de voix de leurs parents et des parents de leur épouse. Pendant 4 siècles, ils n'ont rien fait, gueux parmi les gueux, misérables paysans du sud, sans promotion sociale, sans aventures, sans même la curiosité d'aller dans une ville, de s'engager dans la marine, de fuir leur bled écrasé de soleil. Un jour au XIXème siècle, il y en a eu un qui s'est appelé Appollodorus - pourquoi ? d'où vient ce nom ? on n'en sait rien - et c'est le seul événement original dans cette lignée uniforme. Depuis 1585, il n'y avait rien eu d'autre de marquant : pas de personnalité au destin incroyable, pas de soldat, pas de bâtard de noble, pas de criminel notoire, des paysans et des paysans incroyablement attachés à leur terre, au point qu'aucun d'eux n'ait jamais quitté un territoire de 30 km2. Et en 1963, après 4 siècles passés entre le nord du Vaucluse et le sud de la Drôme, il y en a un qui s'est tiré, qui a quitté par un effort de volonté pour le coup complètement inédit et son milieu social misérable et son coin perdu de France, pour ne jamais y revenir et pour dévorer le vaste monde (Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest, Océan Indien, Pacifique), comme s'il fallait compenser 400 ans d'immobilisme. C'est mon père.
Voilà donc à quoi ressemblaient l'intégralité de mes ancêtres
 Je croyais donc que, nécessairement, sur les centaines d'ancêtres dont je retrouvais la trace, j'allais tomber sur des personnalités hors du commun, des types au destin un peu romanesque. Rien du tout : une morne humanité misérable, aucune mixité sociale, aucune mixité géographique. Pas d'étrangers (à part cet unique Italien), pas même de type venu d'une autre région de France. Je ne sais pas si une telle uniformité est fréquente, mais je ne peux m'empêcher de trouver ironique de porter un nom aussi rare et d'être issu d'une lignée aussi commune.

lundi 15 octobre 2018

Le garde-forestier

J'ai un nom de famille super rare (je pense que nous sommes 10 max à le porter). Alors quand par hasard, je tombe sur un document qui mentionne un Appollodorus (mon arrière-grand-père en l’occurrence), ça me réjouit.


dimanche 14 octobre 2018

Cartographie du sentiment indigène

C'est le (joli) titre d'un article de François-Jean Goudeau consacré à "Florida" de Jean Dytar (surtout) et aux "Chroniques du Léopard" (un peu) dans la revue 303.


samedi 13 octobre 2018

Vu en librairie

à la librairie Flagey, Bruxelles, Belgique

via Fabienne P.

Fin de sortie

Aurélie ne sait pas

Nous sommes le 13 octobre, ça fait plus d'un mois que le bouquin est en librairie, je pense que la sortie des Chroniques du Léopard est terminée, plus de facing dans les librairies, plus d'articles dans les journaux, et sans doute plus beaucoup d'avis sur internet.
Une ultime sélection des derniers jours :

D'abord, sur un forum (que je ne connaissais pas), un dénommé Gagadinorux (je suppute le pseudo) écrit un truc très bien :

"A la mort de son père, militaire créole, en Tunisie, Lucien intègre le lycée Leconte-de-Lisle de Saint-Denis à la Réunion. Après une arrivée difficile, il se fera une place, devenant le meilleur ami de Charles qui sera le narrateur de cette histoire.

La Réunion n'est pas encore un département français (elle le deviendra en 1946), le gouverneur Aubert est un pétiniste convaincu tout comme le surgé adjoint et bien d'autres encore. La vie sur l'île est alors partagée entre partisans du régime de Vichy et résistance où se côtoient professeurs, communistes et gaullistes (le Prince Vinh San, Léon de Lépervanche…) attendant l'arrivée des anglais, ou encore mieux des forces françaises libres. La jeunesse suit aussi cette voie entre scouts zélés et rebelles dessinant clandestinement des croix de Lorraine la nuit tombée.

Se mêlent à la fiction des personnages historiques (les frères Vergès, Raymond Barre, Abd el-krim…) et une documentation fournie sur la vie de l'île, ses villes, sa campagne, sa population, n'épargnant personne et détaillant des aspects peu souvent mis en avant sur l'histoire de la Réunion pendant la seconde guerre mondiale.

Un regard à la fois tendre porté sur cette île, mais aussi sans complaisance sur la colonisation, les inégalités, le racisme et la discrimination.
Nos héros sont férus de poésie (Rimbaud, Cendrars…), de liberté et d'amour, et on les voit tout à la fois héroïques et lâches, révoltés et insouciants.
Ils partagent leur temps entre "Le nouveau parnasse bourbonnais" (pour un temps), les réunions clandestines de la résistance, le "Grr" (Groupe de Résistance Réunionnais), le dessin et la BD, la littérature (Jules Hermann, Alain-Fournier, Henry de Monfreid…), les révisions du bac et les sorties entre copains (et copines).
Rimbaud, Tintin et Tarzan (et Popeye), voilà l'essence même de la vie pour Lucien!

Le titre évoque le dénouement de l'histoire avec la libération de l'île par le contre-torpilleur Léopard des forces françaises libres. Le livre se termine par un petit historique sur le devenir des protagonistes (réels et imaginaires), et un glossaire des termes créoles utilisés.

Au fil des aventures de nos héros, les auteurs retracent l'histoire des années 40, naviguant entre critique sociale (famine, aristocratie, religion et exclusion), rencontres de personnages attachants (dans toutes les classes de la société Réunionnaise), et aventures romanesques d'adolescents, rêveurs mais engagés pour un monde libre.

A noter que les auteurs, Appollo et Téhem ont tous les deux été élèves de ce lycée, donnant certainement à cette histoire une résonance très personnelle, singulière et affective."

Anne et Vincent ne savent pas.
Et puis une émission de radio en Belgique sur RCF  (via Facebook), un article très chouette du Courrier Picard, un autre très élogieux de France Info (qui en fait la bd de la semaine), un article du blog d'Antigone, un autre encore, un article dans Le Matin, journal suisse, sur Planète BD aussi, une chronique sur RTL (à 16:41), enfin sur BDgest.